Div Noir et Rouge

Le remplacement valvulaire aortique chez les patients jeunes est une problématique de santé publique à l’échelle mondiale, en particulier dans les pays en développement où environ 10 millions d’adultes jeunes et d’enfants souffrant de rhumatisme articulaire sont susceptibles d’être touchés. L’introduction de nouveaux matériaux plus simples à utiliser et moins coûteux représenterait une avancée significative sur les plans clinique et économique.

Contexte actuel
Dans les pays industrialisés, le remplacement valvulaire aortique est la procédure de chirurgie cardiaque la plus courante après le pontage coronaire (11 271 patients opérés en France en 2002). Dans 80 % des cas, l’indication est le rétrécissement aortique calcifié, qui est devenu la principale cause de remplacement valvulaire aortique dans les pays développés après le déclin de la maladie rhumatismale. La moitié de ces patients ont moins de 70 ans. Par ailleurs, dans les pays en voie de développement, l’OMS estime qu’environ 10 millions d’adultes jeunes et d’enfants sont atteints de cardiopathie rhumatismale chronique. Le remplacement valvulaire aortique chez les patients jeunes représente donc un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale. Cependant, le coût moyen d’une prothèse valvulaire aortique (qu’elle soit mécanique ou biologique) avoisine les 3 000 euros, ce qui limite leur accessibilité dans les pays en voie de développement.

Matériaux actuellement utilisés
         . Les valves mécaniques
Les substituts valvulaires utilisés se regroupent en deux catégories principales : les valves mécaniques, qui sont relativement faciles à implanter et théoriquement durables, mais qui nécessitent une anticoagulation à vie, avec des complications qui représentent la principale cause d’hospitalisation en France pour des effets secondaires liés à la médication ; les valves biologiques, comprenant les hétérogreffes (bioprothèses), les homogreffes, les autogreffes valvulaires pulmonaires (intervention de Ross) ou péricardiques (remplacement valvulaire en péricarde autologue).


         . Les bioprothèses

Les bioprothèses ne nécessitent pas d’anticoagulation, mais elles ont une durée de vie limitée, qui s’amenuise d’autant plus rapidement lorsqu’elles sont implantées à un jeune âge. Dans la plupart des cas, les bioprothèses sont montées sur une armature, ce qui engendre un stress mécanique sur les feuillets valvulaires et crée des turbulences non physiologiques à travers la valve aortique. Cela contribue à la dégénérescence structurelle d’origine mécanique de ces valves. Le traitement par la glutaraldéhyde, une substance cytotoxique, les transforme en matériel inerte pour les rendre biocompatibles, mais cela accélère le processus de dégénérescence biologique à moyen et long termes, avec l’apparition de calcifications et de fibrose rétractile.

Les homogreffes offrent de meilleures performances hémodynamiques, mais elles sont peu disponibles, nécessitant une adaptation à la taille du patient, et elles restent exposées à une dégénérescence due à un mécanisme de rejet lié à l’absence de traitement immunosuppresseur. L’intervention de Ross, qui consiste en une autogreffe de la valve pulmonaire en position aortique, est limitée par sa difficulté technique, et son intérêt demeure controversé en raison du risque de dilatation de l’autogreffe et de rejet de l’homogreffe pulmonaire.

         . Améliorations possibles
Avec l’objectif d’améliorer les dispositifs médicaux existants, notre équipe a développé deux types d’approche. La première s’intéresse à de nouvelles techniques chirurgicales plus conservatrices visant à réparer les valves aortiques. Elle repose, après réparation, sur la confection d’un « cerclage » autour de l’anneau aortique natif dilaté grâce à une prothèse externe. Il s’agit d’un cylindre élastique de quelques millimètres, imitant l’expansibilité des artères (figure 1). Ce nouveau dispositif médical, développé en partenariat industriel avec la société CORONéO (Montréal, Canada), a d’abord été testé in vitro puis in vivo sur un modèle ovin, avec des résultats satisfaisants (3). Son efficacité chez l’homme est en cours d’évaluation par l’étude clinique CAVIAAR (4) pour les comparer aux prothèses mécaniques.

Tout Prévoir — L’Espace FMC — juin 2010 n° 412

THÉMATIQUE BIOMATÉRIAUX

La deuxième approche consiste à mettre au point de nouvelles valves biologiques. Une néo-valve aortique peut être réalisée au bloc opératoire à partir du péricarde du patient. Le péricarde autologue représente théoriquement une alternative intéressante en termes d’immunocompatibilité, de disponibilité, de facilité de prélèvement (par la même voie d’abord que celle du geste opératoire), ainsi que par son faible coût, générant des économies en santé. Son utilisation pourrait permettre d’obtenir un substitut valvulaire autologue dont la durée de vie serait supérieure aux bioprothèses actuelles.

Dans la grande majorité des cas, le péricarde est traité en per-opératoire par du glutaraldéhyde à 0,625 % (pendant 10 minutes à température ambiante) afin d’améliorer la maniabilité chirurgicale et de stabiliser la matrice collagénique (5). Le glutaraldéhyde masque les sites immunologiques et améliore les qualités mécaniques du greffon. Cependant, son action cytotoxique expose ce substitut valvulaire autologue aux mêmes risques de dégénérescence tissulaire que les hétérogreffes. D’autres méthodes de préparation du greffon, visant à augmenter les caractéristiques mécaniques en diminuant les effets cytotoxiques, ont été utilisées. L’imprégnation par une solution d’alcool semble faciliter la manipulation du greffon et diminuer la fibrose. Le glutaraldéhyde, tout comme l’éthanol, fixe les tissus en laissant intactes les membranes cellulaires, ce qui empêche probablement la recolonisation cellulaire. Certaines substances, comme l’halofuginone, semblent inhiber in vitro la fibrose rétractile mais restent à évaluer in vivo. Les résultats actuels du péricarde autologue, tant à l’état frais qu’après traitement au glutaraldéhyde, n’ont pas permis de mettre en évidence une durée de vie supérieure à celle des bioprothèses (6).

Grâce au soutien financier de l’Agence de biomédecine, nous développons de nouveaux modes de préparation du péricarde.

Des travaux sont en cours pour développer de nouvelles méthodes visant à éviter le traitement du péricarde avec des solutions de type aldéhyde et favoriser la recolonisation rapide du tissu par les cellules hôtes, dans le but d’éviter l’apparition de calcifications. Ces travaux prennent en compte les contraintes liées au prélèvement et à la création de la valve pendant l’intervention chirurgicale (moins de 15 minutes, voir figure 2).

Ces néovalves, qui ont déjà montré leur efficacité lors des évaluations in vitro, font actuellement l’objet d’une évaluation in vivo dans un modèle animal de grande taille.

Conclusion
Le péricarde autologue représente une alternative intéressante en termes d’immunocompatibilité, de disponibilité, de facilité de prélèvement (par la même voie d’abord que celle du geste opératoire), ainsi que par son faible coût. Son utilisation pourrait permettre d’obtenir un substitut valvulaire autologue dont la durée de vie serait supérieure aux bioprothèses actuelles. Les techniques développées peuvent être étendues à d’autres matériaux et applications cliniques.

Tout Prévoir — L’Espace FMC — juin 2010 n° 412